Éditions PLEIN CHANT
Apostilles

27 juin 2015





Paroles de femmes, autrefois



   
  

 Les Évangiles des Quenouilles, 1480 (Paris, chez P. Jannet, Libraire [Bibliothèque elzévirienne]), 1855 :

« Quatrième Journée, XVII, p. 65 :
Qui veult estre victorieux en guerre ou eureux en marchandise, si veste au matin sa chemise ce devant derrière ou à l’envers, et, pour vray, il le sera.
Glose. Cette rigle [règle] est sans aucune faulte, mais que la guerre ne soit contre sa femme, car, s’il la voloit [vouloit] batre, il le perderoit [il aurait perdu, au sens absolu, sans complément d'objet].

Cinquième Journée, II, p. 74 :
Se une femme veult estre au dessus que son mari ne la batte, il fault prendre toutes ses chemises, et, quant le curé lit la Passion le vendredi, les mette dessoubz l’autel, et lui faire vestir le dimence ensuivant. Sachiez que, tant qu’il aura vestue ceste chemise, il sera à sa femme doulx et courtois.

Sixième Journée, XI, p. 89 :
Je vous diroie merveilles des chevaux et de leurs medecines, mais, pour ce que les hommes ne les prengnent à leur prouffit, je m’en tairay et parleray d’autre chose. Mais, touttefois, je vous vueil bien aincoires tant dire que quant vous veez un cheval si terrible qu’il ne vuelt souffrir qu’on monte sur lui, ou ne veult entrer en un navire ou sur un pont, distes-luy en l’oreille ces parolles : Cheval, aussi vray que meschine de prestre est cheval au dyable, tu vueilles souffrir que je monte sur toy. Et tantost il sera paisible, et en ferez vostre volenté. »

Œuvres du seigneur de Cholières (1587), réimprimé par Plein Chant en 1993 d’après l’édition de la Librairie des Bibliophiles, Damase Jouaust imprimeur, 1879 ; l’édition préparée par Édouard Tricotel, avec une préface par Paul Lacroix, fut annotée et augmentée d’un index et d’un glossaire par le même Damase Jouaust. L’édition comporte deux volumes : Les Matinées, et Les Après-Dinées. Tome II, p. 224 :

« les femmes, estans phlegmatiques, elles sont aussi oiseuses. Telle oisiveté, comme elle est la vraye nourriture des longs propos, fait que les femmes, tant par accoustumance que par nature, abondent plus en paroles que les hommes. On pourroit aussi adjouster que les femmes, estans vaines et ayans la teste vuide, ainsi qu'un instrument creux et minse rend du premier coup un son clair et qui dure, elles se font ouïr et trezeler [et carillonnent] à chasque minute. En aprés, que, puis que l'humidité de leur cerveau leur avoit imprimé une grande multitude de choses, elles prennent aussi le chemin en leurs impressions que prennent les conceptions de l'esprit, qu'est celuy de la langue, tellement qu'en parlant beaucoup elles ne font que suivre leur naturel. D'ailleurs, on sçait que leur instabilité, indiscretion et temerité, les rend aussi volages que les enfans, et qu'à ceste occasion elles s'esmerveillent de tout ce qu'elles voyent et entendent dire ; et, comme timides par nature, elles font grandes toutes choses petites, et consequemment elles caquettent outre mesure. Finalement, que le babil leur sert de beaucoup pour purger leur cerveau et evacuer les meschantes humeurs, qui, à la longue, si elles estoient retenues, pourroient les maleficier. »

Recueil général des caquets de l’accouchée, Imprimé au temps de ne se plus fascher, 1623 ; édition citée, Les Caquets de l’accouchée, édition d’Édouard Fournier (Paris, chez P. Jannet, Libraire [Bibliothèque elzévirienne]), 1855, La Seconde Après-disnée, p. 45 :

« ayant veu ces jours passez que j'avois repris une partie de mon embonpoint à entendre les devis recreatifs des femmes qui estoyent venuës visiter ma cousine, accouchée depuis peu à la ruë de Quinquempoix, je me resolus, puis que l'occasion m'avoit esté si favorable, et que tout avoit tellement reüssy à mon avantage, d'y retourner pour la seconde fois, esperant, si le caquet de la première après-disnée m'avoit apporté quelque vigueur et quelque accroissement de santé, que les gaillards entretiens de la seconde journée ne m’apporteroyent pas moins de force et de soulagement à dissiper le reste de l’humeur melancholique que la maladie me pouvoit avoir laissé imprimé en la puissance imaginative.

Cette solution, excitée plustost d'une consideration interne de reprendre mes premières forces, que d'une curiosité particulière que j'aye d'entendre leurs discours (sçachant trop bien, selon ce que j'avois pu voir auparavant, que les entreprises des femmes ne sont fondez le plus souvent que sur des choses inutiles et de peu de consequence), esveilla en moi un desir d'en voir la fin aussi bien que le commencement. Je m'y rencontray donc à l'heure precise, où je trouvay madame l'accouchée, qui commençoit un peu à se bien porter. »

Le convalescent se cache , pour écouter en secret les bavardages féminins. Page 50, la femme d’un libraire de la rue Saint-Jacques raconte :

« on rapporta l’autre jour un livre à mon mary, où il y avoit autant de fautes que de mots. – Une femme du palais, que tout le monde cognoist assez bien, luy respondit : Ma commère, il ne se faut pas esmerveiller : l’autre jour nous avions fait faire un factum chez un certain imprimeur, demeurant en l’université, qui est bon compagnon ; mais je ne vis jamais tant de fautes : en tous les lieux où il falloit un V, il y avait mis un Y grec ; je ne sçais pas si c’est pour declarer à tout le monde que mon mary porte les cornes.

– Porter les cornes, dit la femme d’un conseiller de la Cour ! il y a plus de dix ans que mon mari en porte quelques unes, qui l’accompagneront en fin jusques au tombeau ; aussi bien a-t-il desjà un pied dans la fosse ; rien ne luy servira d’avoir une barbe reverende [vénérable] et une calotte à l’antique.

– Tout beau, ma cousine, dist la femme d’un Maistre des Comptes : il ne faut jamais scandaliser son mary, principalement en une bonne compagnie. Il faut empescher tant qu’on peut les langues de mal parler [… et patati, et patata]. »


   

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