Marot avait écrit en 1535 une Épigramme du
beau tétin (ou Blason du tétin) qui
lança la mode des blasons du corps féminin. Les poètes
se mirent à célébrer, entre autres, la chevelure
blonde, la cuisse, la main, l’œil, la bouche, la
larme, l’oreille, le sourcil, tant et si bien que
Marot put constituer un recueil, Blasons
anatomiques des parties du corps feminin, invention
de plusieurs poëtes françois (Lyon, François
Juste). Eustorgue (Hector) de Beaulieu avait, pour sa
part, donné « Sept blasons anatomicques du corps
femenin » dans Les divers rapportz,
contenantz plusieurs rondeaulx, huictains, dixains,
ballades, chansons, épistres, blasons, épitaphes, et
aultres joyeusetez (1544), qui décrivaient en
détail le nez, la joue, les dents, la langue, la voix,
le cul (« Cul bien froncé, cul bien rond, cul
mygnon ») et ensemble, le pet & la
vesse. Marot ayant proposé d'écrire également
des contreblasons, on put lire un recueil intitulé Les
blasons Anatomiques du Corps femenin. Ensemble les
Contreblasons de nouveau composez & aditionnez,
plusieurs fois réédité, où l'on remarquait, avec
plaisir ou réprobation, les blasons « du
Con » (« Con petit, con
dont la bouche vermeille / A fait
dresser à maint grand vit l’oreille »),
« du Con de la pucelle », un « Autre
(blason) du Con ».
Gilles Corrozet, libraire,
imprimeur, historien, poète et blasonneur chevronné
s'insurgea et publia, en réaction, Les blasons
domestiques contenantz la decoration d'une
maison honneste, & du menage estant en
icelle : Invention joyeuse, & moderne (1539).
À la fin du recueil, que l'on peut lire dans la réimpression
de Plein Chant, il avait placé une attaque
directe : Contre les blasonneurs des membres.
|
…………………… une
parolle dicte
Laide & vilaine, ou en papier
escripte,
Rend son autheur de macule taché.
………………………………………
|
|
Hugues Salel, valet de chambre de François Ier
à partir de 1538, et poète de cour, avait tout comme
un autre composé des blasons. L'un d'entre eux, « Blason de
l’Aneau » (1536), lu de nos jours, pourrait
apparaître un compromis entre la licence et le refus
de chanter le corps amoureux.
Un érotisme de bonne compagnie ? Une pièce
anodine ? On donne le blason,
ci-dessous, tel qu'il fut transcrit par Paul
Lacroix dans son Recueil curieux de pièces
originales rares ou inédites…, par le
Bibliophile Jacob (Paul Lacroix), s. d. (Paris,
Administration de librairie), p. 318.
|
BLASON DE L’ANEAU.
Je
n'oseroys, après tant bons espritz
Mettre en avant mes imperfectz escriptz
Pour blasonner quelque membre ou partie
Du femenin ; ma force est amortye,
La main me tremble, et mon œil devient
lousche,
L'aureille sourde, et muette la bouche,
Délibérans le cueur destituer,
Si à cela se veut esvertuer.
Tant
seullement, pour le commencement,
M’essaieray à louer l'ornement
Le plus petit, mais le plus précieux,
Joignant de près au corps tant gracieux
De ma maîtresse. O gentil anelet !
Aneau d'or fin, en forme rondelet,
Sur qui l’orfèvre a mainct jour travaillé.
Aneau bien faict et trop myeulx esmaillé,
Et enrichy de perle orientalle,
D'une turquoyse, esmeraulde royalle,
D'ung dyamant, d'ung rubiz desiré,
D'une esmalite, ou saphir azuré,
Venuz de loing, voire de-là la mer.
Aneau
qui es ferme lien d'aimer,
Aneau tesmoing de la foy conjugalle,
Aneau jadiz
vraye enseigne royalle,
Cercle petit envyronnant le doy
De celle là à qui ma vie doy.
Heureux aneau, que pour laver la main,
La dame mect souvent dedans son sein,
Que ne m'est-il octroyé une chose,
Que de mon corps se fist métamorphose
En ta figure, affin de fréquenter
Où ne me puis que, de loing,
présenter !
Aneau,
tu as privilége et franchise
Du corps toucher si près que la chemise,
Et bien souvent sans penser mallefice,
D'aller taster la dure et ronde cuisse,
Le blanc tetin, l'estomac et le ventre,
Et approcher de ce beau corps le centre,
Où gist l'espoir des amans affligez.
Aneau
meilleur que celui de Gigés ;
Par lequel eut sa dame tant aimée,
Aneau de prix, méritant renommée,
Plus que les sept forgez par Hyarcas.
L'on m'entendroit si je comptois le cas,
Mais tu m'entends, tu sçais bien mon
vouloir,
El celle là qui tant m'a faict douloir,
Lisant cecy dira que j'ay raison
De m'efforcer à faire ton blason.
|
|