Éditions PLEIN CHANT
Apostilles





     
  




Des noms d’auteur fictifs et descriptifs - II





par un fanatique de Pascal Pia,
néanmoins lecteur attentif de quelques autres bibliographes et catalographes





     On a vu combien Cuisin, dans le choix de ses pseudonymes, recourait à la métaphore. Comment, avant lui et après lui, d'autres auteurs, choisirent-ils de tels pseudonymes, et non de faux noms ?
      Il y avait, pour ceux qui pratiquaient le pseudonyme métaphorique, la solution de facilité: s'annoncer pour ce que l'on était, ce qui donna Mémoires secrets d’un tailleur pour dames, par une Femme Masquée (Bruxelles, Gay et Doucé, 1880), Le Roman de Violette, œuvre posthume d’une célébrité masquée (1870). Félix Nogaret frôlait encore le vrai pseudonyme avec Le fond du sac, ou restant des babioles de M. X** (1780), mais il fallait s'attarder sur l'image du nom de l'auteur ayant écrit Les Éléments de l’éducation par Mlle Dubouleau célèbre institutrice parisienne (Amsterdam, Brancart, 1886) pour déceler derrière le nom de Mlle Dubouleau le matériau des fouets et reconnaître de cette manière un ouvrage célébrant la flagellation. Un médecin, Doppet, qui lui se cachait un peu, ne cachait rien, au contraire, de son thème et ne demandait nul effort de traduction au lecteur avec son Traité du fouet ou Aphrodisiaque externe. Par un amateur (1788). On revient au simple, une complicité entre hommes, avec les poèmes d'Albert Glatigny, Joyeusetés galantes et autres du vidame Bonaventure de la Braguette (1866). Toujours entre hommes, mais d'une manière moins orthodoxe, voici Les Petits Bougres au Manège, ou Réponse de M***, Grand maître des enculeurs, et de ses adhérents, défendeurs, à la requête des fouteuses, des maquerelles et des branleuses, demanderesses (1791). Les lecteurs pouvaient se rassurer avec d'autres ouvrages, relevant de l'hétérosexualité: Les Heures de Paphos. Contes moraux, par Un Sacrificateur de Vénus (1787) ou bien Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices, ou confessions curieuses et galantes de ces dames, rédigées par une bayadère de l’Opéra (vers 1833). Empruntés à un domaine proche de l'érotisme, mais moins apprécié, en général, on eut La Facétieuse loterie de Pantalon Pasquinet, commissaire général des vents méridionaux, et intendant des bizes du Nord (1706); Éloge des Pets, ou le farceur en compagnie, chantant sa maîtresse qu’il compare à un étron fumant… (Paris, s.d.); Description de six espèces de Pets, ou six raisons pour se conserver la santé, prêchée le Mardi gras, par le Père Barnabas, Péteur en chef au village des Vesses, province des Étrons, goûtez qu’ils sont bons (Troyes, s.d.).
     Nous avons rencontré plus haut des masques, on trouve aussi, moins encore que des masques, des auteurs qui s'effacent, ou plutôt font mine de s'effacer devant le ou les héros de la narration: Mademoiselle Javotte, ouvrage moral écrit par elle-même et publié par une de ses amies (1757) ; Les Cannevas de la Pâris, ou mémoires… publiés par un Étranger, avec des notes critiques, historiques, nécessaires à l’intelligence du texte (vers 1765). Des rebelles allaient jusqu'à nier d'une certaine manière le titre, tel Callixte-Zénon Allec,  publiant en 1841 Physiologie du cocu, par un vieux célibataire.
     Les auteurs, oubliant tout respect humain par irrépressible désir d'attirer l'attention peuvent s'accrocher à un auteur connu, par exemple au plus actif, en littérature et en politique, des deux frères Mirabeau, et ce sera Les Veillées du couvent ou le Noviciat d’amour… par un Bâtard de Mirabeau l’aîné (1793) ; ou l'entreprise de cet auteur voulant profiter de la gloire du fécond érotographe qui se cachait derrière les initiales E.D. et comptant sur l'inattention de l'acheteur : Journal d’un Prêtre de Vénus, par E.D*** (avant 1907). La présence d'une célébrité littéraire, ou de plusieurs (tant qu'à faire…) célébrités peut être, pour un auteur, moyen d'indiquer le genre de son livre, comme dans Les Travaux d’Hercules (sic), ou la Rocambole de la fouterie, par un Émule de Piron, Grécourt et Gervais (Gervaise de la Touche, auteur du Portier des Chartreux), 1790. Dans cette catégorie, on placera les nombreux petits-neveux :

Le Petit-neveu de Boccace ou Contes nouveaux en vers (1781, par Plancher de Valcourt)
Le Petit neveu de Grécourt (1782, par Félix Nogaret)
Le Petit neveu de Vadé (1791)
Les Bijoux du petit neveu de l’Arrétin ou Étrennes libertines, dédiées aux femmes… (1791, 1793)
Le Petit Neveu de l’Arretin, ouvrage posthume trouvé dans le porte-feuille de son grand-oncle (vers 1800).


     Le marquis de Sade, une légende à soi seul, ne pouvait pas ne pas être sollicité : il le fut d'une manière détournée, avec Les Buveuses de larmes, par la Marquise de Sade (1904). Monselet, bon plaisantin, publia un pastiche (Pascal Pia, dans Les Livres de l'Enfer, Fayard, 1998, col. 285, cite Monselet, mais il ignorait que l'auteur en était Monselet lui-même)  La Courtisane Anaphrodite ou la Pucelle libertine, par le marquis de Sade, en faisant suivre en dernière page le texte, son texte, d'un Avis indispensable : « (…) nous nous demandons si l'attribution que l'on fait au célèbre marquis de Sade de la très joviale histoire qui précède est bien véridique (…) ».

    





(Suite)