Éditions  PLEIN CHANT

Abbés Julien Barault & Joseph-Hyacinthe Taillefer
Manuels de l'Œuvre des Bons livres de Bordeaux



Manuels de l'Œuvre des Bons livres de Bordeaux
(1834)
Éditions Plein Chant, Bassac, 1996
Atelier du XIXe siècle

Un extrait (p. 31) du premier des deux manuels, que chacun lira à sa manière :
admirant la dialectique des deux propagandistes de la foi, ou s'indignant au contraire de leur inébranlable assurance.


       

[…]
La première des objections est l'épouvante qu'inspirent les livres de piété: lecteurs, qui tremblez d'être obligés de les lire, souvenez-vous donc que la bibliothèque chrétienne est en même temps instructive et littéraire. Si le sérieux de l'instruction est encore au-dessus de vos forces, la littérature vous offre ses pages légères; biographie, nouvelles, poésie, tout est réuni pour votre amusement, dans cette bibliothèque: venez-y puiser avec confiance.
D'autres lecteurs, sans être effrayés à la vue d'un livre pieux, ont pour lui cette indifférence qui caractérise notre siècle, et regardent comme inutile d'entasser des livres de piété dans un dépôt où ils ne seront lus, disent-ils, que par les personnes auxquelles ils seront le moins nécessaires. Lecteurs indifférents, vous êtes dans une erreur complette [sic]. Lorsqu'on établit un dépôt de bons livres, il n'est d'abord fréquenté que par les personnes pieuses; les autres dédaignent les livres qu'on leur offre; mais, peu à peu, la bibliothèque mieux connue est mieux appréciée; on y vient chercher des livres agréables, c'est une amorce présentée à la curiosité des lecteurs, et beaucoup s'y sont heureusement laissés prendre; après avoir commencé par des nouvelles et des histoires, ils en sont venus quelquefois à ne demander que des livres de morale et même de spiritualité. C'est ainsi que se sont opérées des conversions remarquables.
D'autres personnes, enfin, persuadées de l'extrême utilité des bons livres, mais redoutant toute dépendance et jalouses de faire le bien à leur fantaisie, ne voient aucune nécessité de s'associer à une œuvre pour la propagation des bonnes lectures. Nous possédons des ouvrages excellents, disent-elles, nous n'avons pas besoin d'en emprunter, et nous les prêtons aux personnes qui n'en ont pas. Vous prêtez vos livres! mais n'est-ce point avec tant de recommandations de ne pas les gâter que vous intimidez les emprunteurs? et puis, toutes les personnes qui en auront besoin ont-elles un libre accès auprès de vous? osent-elles s'adresser à une bibliothèque particulière, comme on le fait à un dépôt public, envers lequel même on se croit dispensé de reconnaissance et de remercîments… [sic] Après tout, quand vos livres seraient aussi répandus que ceux du dépôt général, obtenez-vous, en les prêtant, les grâces spirituelles si abondamment accordées aux associés de l'Œuvre?
Sans doute, le zèle des personnes qui prêtent leurs livres est très-louable et très-digne d'être encouragé: mais connaissent-elles bien les livres qu'elles prêtent? ont-elles la certitude qu'ils sont pleins de la doctrine de la foi et conformes au dogme et à la morale de la Religion catholique? Oh! qu'il est aisé de faire du mal avec les meilleures intentions du monde! On est d'abord trompé soi-même, et l'on trompe innocemment les autres; car, quelles infernales ruses n'a pas imaginées l'esprit des apôtres du mensonge? lls ont altéré les productions des auteurs les plus respectables et ont su y glisser adroitement le poison de l'erreur; aussi, des ouvrages dont le titre est édifiant, des ouvrages auxquels le nom de l'écrivain semble donner la plus sûre garantie, peuvent avoir eu des éditeurs qui en ont fait un moyen de séduction.
[…]


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