Éditions  PLEIN CHANT

  
Nodier commente

La nouvelle Fabrique des excellens Traits de Vérité
         

Monographie d'un livre facétieux
très rare et très piquant,
dont les éditions originales ont presque entièrement disparu.


Extrait de :

Charles Nodier, Mélanges tirés d'une petite bibliothèque
Paris, Crapelet, 1829.
Réimpression aux éditions Plein Chant, Printemps 2000.



Nodier, Mélanges tirés d'une petite bibliothéque, ch. XLVII, pp. 362-365.


LA NOUVELLE FABRIQUE DES EXCELLENTS TRAITS DE VÉRITÉ, livre pour exciter les resveurs tristes et mérancoliques à vivre de plaisir ; par Philippe d'Alcripe, sieur de Neri en Verbos. Imprimé cette année, (vers 1717 ou 1720) in-12, 220 pages, plus un carton de 4 f. entre les pages 14 et 15 ; v. fauve ancien. Très rare avec le carton.


      
« Cet ouvrage facétieux, dit M. Brunet, paroît avoir été imprimé vers le commencement du dix-huitième siècle ; mais le style en est beaucoup plus ancien. »
Le livre est beaucoup plus ancien lui-même comme l'atteste La Croix du Maine, qui en cite une édition de Paris, imprimée en 1579, laquelle, ainsi que nous l'allons voir tout à l'heure, n'est probablement pas la seule ; ce qu'il y a de, certain, c'est que ni cette édition de 1579, ni aucune autre du même temps, n'a paru jusqu’ici dans les ventes publiques, et que la réimpression que j'annonce s'y rencontre elle-même si rarement, qu'on peut la citer au nombre des petits livres facétieux les plus difficiles à trouver.
Ce qui distingue mon exemplaire, c'est un carton dont il paroît qu'on ne s'est avisé qu'assez tard après l'édition, et auquel on n’a pu donner d'autre place qu'entre la page 14, où finissent les préliminaires, et la page 15, où commence le texte. Cette pièce, intitulée L’Éditeur au Lecteur, contient quelques renseignemens très superficiels sur l'auteur pseudonyme de la Nouvelle Fabrique des Excellens traits de Vérité, « devenue si rare malgré ses éditions réitérées. » Il est fâcheux que l'homme de lettres on l'amateur qui a donné ses soins à cette réimpression ait négligé de désigner ces éditions réitérées, ou de décrire au moins celle qui lui avoit servi de copie. Quant à l'auteur, « c'étoit, dit-il, un moine bernardin de l'abbaye de Mortemer, en Normandie, près la forêt de Lions (et de là il se dit seigneur de Neri, qui est l’anagramme de Rien, et en Verbos, c'est-à-dire Verd bois). L'amour des dons de Bacchus l'avoit rendu tout perclus de goutte : dans les intervalles de ses douleurs, il s'épanouissoit la rate avec son bon ami M. Duthot, gentilhomme du voisinage ; puis, quand il étoit seul, il dictoit à son scribe tous les traits divertissans de l'invention ou de son ami ou de la sienne. » Le reste de cette petite préface est extrêmement insignifiant, et on ne prend pas même la peine de nous y informer du véritable nom de Philippe d'Alcripe, qu'il faut aller chercher, page 197, dans une note sur le quatrain suivant, que je regarde comme un pastiche de Nostradamus.
AU SEIGNEUR DE NERI.

Ton Philip. Ton puz, et ton pic et ton art,
Tous sont picquiers, harquebusiers, gendarmes,
Jouster, tirer, bransler de toutes parts,
Sans larme à l’œil avoir, n'au costé d'armes.
D'après cela, le vrai nom du prétendu Philippe d'Alcripe seroit Philippuz Picart ; mais M. Brunet me semble avoir mieux rencontré en traduisant, le Picard, qui est exactement contenu dans le pseudonyme d'Alcripe.
La Monnoye n'est point d'accord avec notre éditeur sur l'interprétation du mot de Verbos, pays imaginaire où le sieur d'Alcripe place sa seigneurie ; il pense que c'est un barbarisme fait à dessein pour verba, et qui caractérise assez bien cet ouvrage, composé de riens en paroles, dans lequel sont encadrées, tant bien que mal, toutes les imaginations bouffonnes qui amusoient les joyeux entretiens de Philippe le Picard et de son bon ami M. Duthot. On trouve quelques vers de celui-ci dans les pièces liminaires. Quant au pays réel où ces folies ont été écrites, c'est bien évidemment celui qu'indique l'éditeur.
On jugera probablement que j'accorde trop de place à un livret qui n'en tient guère dans l’estime des gens de lettres, et même dans celle des curieux ; mais La Monnoye ne désavoueroit pas ces soins minutieux, tout superflus qu'ils puissent paroître, car il convient naïvement, dans sa note sur La Croix du Maine, qu'il a pris grand plaisir à la lecture des Excellents Traits de Vérité. Je n'ai certainement pas de raisons pour être plus fier que La Monnoye, et j'y ai pris grand plaisir aussi.

  

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