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Sur Le
Chariot d'enfant (1850)
L'Odéon prépare la plus étonnante
solennité littéraire qu'on ait peut-être encore jamais
vue. C'est la représentation d'une pièce du théâtre
indien, jouée pour la première fois il y a quelques
milliers d'années, sur le théâtre d'Oudjayani,
ancienne capitale de l'Inde, située près de Bombay.
[…] Un poète illustre et un critique distingué, MM.
Méry et Gérard de Nerval, se sont réunis pour mettre à
la scène cette merveille dramatique, aussi étrange à
voir reparaître aujourd'hui que les colosses du musée
assyrien.
Il ne faut pas cependant
que le public s'attende à une de ces œuvres grandioses,
mais froides, qui appartiennent au genre de la tragédie.
C'est tout simplement un drame bourgeois, plein de
simplicité, de fantaisie et de terreur, où l'accent
comique se mêle au pathétique avec plus de hardiesse
encore que dans les pièces de Shakespeare. Des idées que
l'on a cru toutes particulières à la société chrétienne
se révèlent dans cette œuvre qui a précédé de bien
longtemps la venue du Christ. La lutte est établie entre
les classes privilégiées et les classes populaires avec
une telle réalité d'analyse, que ce sera presque une
pièce de circonstance. Il semble que la civilisation
orientale, à cette époque, qui coïncide avec la réforme
bouddhiste, ait présenté les mêmes phases que nos
révolutions actuelles. Ce sera dans tous les cas une
curieuse étude, encadrée dans une splendide mise en
scène, où les villes, les palais, les forêts
mystérieuses de l'Inde passeront tour à tour devant les
yeux du spectateur. La pièce n'est autre enfin que le
drame du roi Soudraka, intitulé Le Chariot d'enfant,
que Schlegel mettait au-dessus des plus belles
conceptions du théâtre romantique. L'excellente troupe
qui a joué François
le Champi remplira tous les rôles de cette
grande pièce, qui est annoncée pour samedi.
[…]
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