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Le Canard sauvage, lancé par
Edmond Chatenay (Joseph Werner), déjà créateur de
La Vie en rose, et baptisé du nom de la
pièce d'Ibsen, Le Canard sauvage, ne vécut
pas longtemps. Le premier numéro de cet
hebdomadaire satirique et littéraire d'une
vingtaine de pages est daté 21-28 mars 1903, le
dernier 18-24 octobre 1903. Comme La Vie en
rose, la feuille est imprimée en Française
légère, un des caractères d'Auriol. Les
illustrateurs, parmi lesquels on note Willette,
Cappiello, Steinlen, Roubille sont prestigieux,
les rédacteurs également — au regard de la
littérature, non des principes du monde bourgeois.
Alfred Jarry côtoie Charles-Louis Philippe, on
rencontre Jules Renard souvent et Octave Mirbeau
deux fois. Après un mois, chaque numéro traite
d'un thème fourni par l'actualité, politique de
préférence. Le Canard sauvage
devient franchement anticlérical et
antimilitariste, puis il s'essouffle. Restent, à
la fin, cinq illustrateurs seulement,
Hermann-Paul, Roubille, Iribe, Kupka et Vallotton,
et parmi les rédacteurs de poids, Charles-Louis
Philippe et Alfred Jarry.
Au premier numéro, en huitième page (le journal
n'est pas paginé) Charles-Louis Philippe donne La
Mi-Carême (éditions Plein Chant, p. 53), que
l'on peut rapprocher d'une illustration par
Cappiello, en dernière page.
APRÈS LA MI-CARÊME
— Qu'est-ce que ce sera après le carême tout entier
?
Charles-Louis Philippe souffrait, en
ce jour de liberté sexuelle, de ne pas avoir les
cinq francs que lui auraient coûté les services
d'une fille des rues, de n'avoir pas, non plus,
rencontré une jeune fille à séduire, car les
demoiselles étaient, ce jour-là, enfermées chez
elle par des mères soucieuses de préserver leur
vertu. Cappiello, lui, nous montre un noceur,
vivant dans un autre monde que celui de l'auteur
de "La Mi-Carême".
Le N° 13 (14-20 juin 1923) qui donnait en une le
thème traité, affichait le nom d'un lieu
marocain, Figuig, tout proche du sud oranais. C'est que des
habitants de Figuig avaient agressé le 31 mai
1903, au col de Zenaga, Charles Jonnart, le
gouverneur général de l'Algérie en tournée
d’inspection, et son escorte. La France
organisa des représailles, avec le concours de
la Légion étrangère. Charles-Louis Philippe
donna au Canard sauvage un texte hors
de toute considération politique ou actuelle,
La Légion étrangère (Plein Chant, p.
84), placé dans les premières pages : à
la Légion étrangère, « Il y a de
tout […] Il y a ceux qui vont chercher
du courage et il y a
ceux qui ont perdu courage. Il y a
l’homme amer à côté de l’homme
doux ». En dernière page, un dessin
de Vallotton, très différent de l'esprit
de Charles-Louis Philippe, presque
goguenard par sa légende :
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— La France sera
fière de vous, caporal… votre nom ?
— Ché né gombrends pas. |
Le 7
juin 1903, le paquebot Le Liban était
entré en collision avec un autre paquebot, L'Insulaire.
Le Liban coula, une centaine de passagers furent
noyés, presque tout l'équipage survécut.
Charles-Louis Philippe exprima son dégoût
dans La catastrophe du "Liban" (N°
14, 21-27 juin ; Plein Chant, p. 87).
Première phrase choc : « Les
officiers de marine sont des hommes du
monde. » Puis une conversation imaginée
mais vraisemblable, celle d'une passagère disant
au commandant : « Ce qui me charme
aujourd’hui dans les voyages, commandant, c’est
l’agrément et la sécurité. Il semble qu’on ne
sorte pas de son salon ». Les deux paquebots
appartenaient à la même compagnie maritime, et
Steinlen illustra le "drame" de l'armateur et des
actionnaires avec ce diptyque
:
L'ARMATEUR
— Quelle perte, Seigneur !… pour nos pauvres
actionnaires !
LES ACTIONNAIRES
— Quel désastre, cher ami !… quel désastre
pour le dividende !
Le texte Un meurtre
(Canard sauvage, N° 15, 28
juin-4 juillet ;
Plein Chant, p. 90) de
Charles-Louis Philippe a pour point de
départ l'assassinat du roi Alexandre
Ier
de Serbie, et de la reine, par des
officiers nationalistes. Au roi assassiné
devait succéder Pierre
Karageorgévitch, alors en exil et
choisi par les officiers. Iribe en fit ce dessin (placé en dernière
page, alors que Un meurtre
l'est en page 2) :
— La prochaine fois ce sera plus
complet : Pierre a trois enfants.
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