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  Charles-Louis Philippe et les illustrations du Canard sauvage  
 

  

On trouvera quelques-unes des illustrations du Canard sauvage reproduites dans Charles-Louis Philippe, Chroniques du Canard sauvage (Plein Chant, pp. 166-181).

42 Contes, par George Auriol (Plein Chant, 2004)
est consacré à l'inventeur de la Française légère.

  



      




Le Canard sauvage, lancé par Edmond Chatenay (Joseph Werner), déjà créateur de La Vie en rose, et baptisé du nom de la pièce d'Ibsen, Le Canard sauvage, ne vécut pas longtemps. Le premier numéro de cet hebdomadaire satirique et littéraire d'une vingtaine de pages est daté 21-28 mars 1903, le dernier 18-24 octobre 1903. Comme La Vie en rose, la feuille est imprimée en Française légère, un des caractères d'Auriol. Les illustrateurs, parmi lesquels on note Willette, Cappiello, Steinlen, Roubille sont prestigieux, les rédacteurs également — au regard de la littérature, non des principes du monde bourgeois. Alfred Jarry côtoie Charles-Louis Philippe, on rencontre Jules Renard souvent et Octave Mirbeau deux fois. Après un mois, chaque numéro traite d'un thème fourni par l'actualité, politique de préférence. Le Canard sauvage devient franchement anticlérical et antimilitariste, puis il s'essouffle. Restent, à la fin, cinq illustrateurs seulement,  Hermann-Paul, Roubille, Iribe, Kupka et Vallotton, et parmi les rédacteurs de poids, Charles-Louis Philippe et Alfred Jarry.

Au premier numéro, en huitième page (le journal n'est pas paginé) Charles-Louis Philippe donne La Mi-Carême (éditions Plein Chant, p. 53), que l'on peut rapprocher d'une illustration par Cappiello, en dernière page.


APRÈS LA MI-CARÊME

— Qu'est-ce que ce sera après le carême tout entier ?


Charles-Louis Philippe souffrait, en ce jour de liberté sexuelle, de ne pas avoir les cinq francs que lui auraient coûté les services d'une fille des rues, de n'avoir pas, non plus, rencontré une jeune fille à séduire, car les demoiselles étaient, ce jour-là, enfermées chez elle par des mères soucieuses de préserver leur vertu. Cappiello, lui, nous montre un noceur, vivant dans un autre monde que celui de l'auteur de "La Mi-Carême".

Le N° 13 (14-20 juin 1923) qui donnait en une le thème traité, affichait le nom d'un lieu marocain, Figuig, tout proche du sud oranais.
C'est que des habitants de Figuig avaient agressé le 31 mai 1903, au col de Zenaga, Charles Jonnart, le gouverneur général de l'Algérie en tournée d’inspection, et son escorte. La France organisa des représailles, avec le concours de la Légion étrangère. Charles-Louis Philippe donna au Canard sauvage un texte hors de toute considération politique ou actuelle, La Légion étrangère (Plein Chant, p. 84), placé dans les premières pages : à la Légion étrangère, « Il y a de tout […] Il y a ceux qui vont chercher du courage et il y  a ceux qui ont perdu courage. Il y a l’homme amer à côté de l’homme doux ». En dernière page, un dessin de Vallotton, très différent de l'esprit de Charles-Louis Philippe, presque goguenard par sa légende :


— La France sera fière de vous, caporal… votre nom ?
— Ché né gombrends pas.


Le 7 juin 1903, le paquebot Le Liban était entré en collision avec un autre paquebot, L'Insulaire. Le Liban coula, une centaine de passagers furent noyés, presque tout l'équipage survécut. Charles-Louis Philippe exprima son dégoût  dans La catastrophe du "Liban" (N° 14, 21-27 juin ; Plein Chant, p. 87). Première phrase choc :
« Les officiers de marine sont des hommes du monde. » Puis une conversation imaginée mais vraisemblable, celle d'une passagère disant au commandant : « Ce qui me charme aujourd’hui dans les voyages, commandant, c’est l’agrément et la sécurité. Il semble qu’on ne sorte pas de son salon ». Les deux paquebots appartenaient à la même compagnie maritime, et Steinlen illustra le "drame" de l'armateur et des actionnaires avec ce diptyque :

L'ARMATEUR
— Quelle perte, Seigneur !… pour nos pauvres actionnaires !




LES ACTIONNAIRES
— Quel désastre, cher ami !… quel désastre pour le dividende !



Le texte Un meurtre (Canard sauvage, N° 15, 28 juin-4  juillet ; Plein Chant, p. 90) de Charles-Louis Philippe a pour point de départ l'assassinat du roi Alexandre Ier de Serbie, et de la reine, par des officiers nationalistes. Au roi assassiné devait succéder Pierre Karageorgévitch, alors en exil et choisi par les officiers. Iribe en fit ce dessin (placé en dernière page, alors que Un meurtre l'est en page 2) :


— La prochaine fois ce sera plus complet : Pierre a trois enfants.




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