Éditions PLEIN CHANT
Marginalia



TU PENSES J'ŒUVRE




  Jean-Claude Motteroz (1830-1909)




Le typographe Jean-Claude Motteroz, qui avait commencé à travailler dès l'âge de 8 ans,  exerça tous les métiers manuels ou presque, d'estampeur à maçon, en passant par la serrurerie et peu de temps — il se rattrapera plus tard —  par la typographie,  où on le vit compositeur typographe. Après quelques autres métiers, il se consacra à la seule typographie. Compositeur à Saint-Étienne, puis à Lyon, lithographe à Paris, presssier à Dijon, il s'installa à Paris et devint chef conducteur chez Gauthier-Villars, chez Jules Claye, dans d'autres imprimeries encore. En 1863, il fonde, avec Gabriel Charavay, L'Imprimerie, journal de la typographie, de la lithographie et des arts accessoires, où il publiera d'importants articles. En 1873, Hippolyte Marinoni (1823-1904), inventeur de machines à imprimer, plus tard patron du Petit Journal, fait appel à lui pour perfectionner sa  nouvelle machine rotative à papier sans fin. Il va l'aider à créer sa première imprimerie, installée d'abord rue Visconti, avec un atelier d'héliographie pour les reproductions de textes, dessins et manuscrits, déménagée rue du Dragon, puis 54 bis rue du Four.

 


En 1877, peut-être avant, il imprime sa marque.



  

À gauche, dans Molière jugé par ses contemporains (Isidore Liseux, 1877), à droite dans Avril, par Alexandre Piedagnel, même éditeur, même date (1).



Se donnant  la devise : TU PENSES J'ŒUVRE, Claude Motteroz se plaçait, à juste titre, sur un plan d'égalité avec les auteurs, 
construisant une page comme un écrivain construit un paragraphe ou un chapitre de roman, jouant avec le matériel typographique comme un auteur joue avec les mots. Un écrivain se reconnaît à son style, on reconnaissait Motteroz à ses initiales, ses vignettes, à des accolements fantaisistes de caractères ; il avait aussi, en 1881, inventé un caractère de labeur en transformant le trop classique Didot. Influencé dans sa jeunesse par la typographie romantique, il garda toute sa vie le goût d'une ornementation florissante. Imprimeur de livres, il ne dédaigna pas  d'imprimer des  catalogues pour les premiers magasins de nouveautés, La Ville de Saint-Denis, Le Petit Saint-Thomas, Le Printemps. Timide encore dans l'impression de ces catalogues, il affirmera sa personnalité lorsqu'il imprimera des  publicités pour Marinoni, Hetzel, pour les Imprimeries-Librairies réunies. Son élève, le typographe Francis Thibaudeau (1860-1925) admirait son art de faire parler des papiers qui, en effet, devaient s'imposer pour être efficaces : annonces, catalogues, circulaires, prospectus.

Quelques fusions d'imprimeries plus tard,  en 1897, le voici directeur des Librairies-Imprimeries réunies.
On emprunte la conclusion à l'article de Francis Thibaudeau,  Motteroz le Typographe (Annuaire graphique 1910-1911), qui fut à l'origine de ces quelques lignes sur Motteroz :
« Cet homme bon, ce grand honnête homme, après avoir connu l’aisance, retomba […] à l’état d’extrême pauvreté ; il dut cette catastrophe à un excès de probité commerciale qui honore sa mémoire mais dont on trouverait peu d’exemples […] tout ce qu’il lui avait été permis de conserver comme livres et mobilier fut dispersé au hasard des enchères. »

Note
1. Claude Motteroz fut l'un des imprimeurs d'Isidore Liseux. Quelques pages lui sont consacrées dans Paule Adamy, Isidore Liseux 1835-1894 Un grand "petit éditeur", Bassac, Plein Chant, 2009.