Éditions PLEIN CHANT

M a r g i n a l i a

1er  septembre 2015




O D E U R S

aux XVIIe et XVIIIe siècles


Le Cabinet satyrique, première édition complète et critique…, par Fernand Fleuret et Louis Perceau, Paris, Librairie du Bon Vieux Temps, Jean Fort, Éditeur, 1924, t. I, p. 23, une strophe extraite du Dialogue de Perrette et de Macette, par le Sieur de Sigognes (1560?-1610) :

MACETTE

Je suis, par estrange usage,
Une fille en son veufvage,
Qui a, sous le bout du busc,
Un morceau de bonne prise,
Gardant chose si exquise
Entre la rose et le musc.



Sigogne(s) encore, toujours dans l’édition du Cabinet satyrique par Fleuret et Perceau, mais évoquant cette fois la puanteur des vieilles femmes – un thème fréquent chez lui. Un extrait, t. II, p. 124, de « Galimatias, par le sieur de Sigognes » :

Les vieils caques de moruës,
Les tannieres et les ruës,
Les privez communs à tous,
Les dents à moitié pourries,
Les fiens et les voiries,
Sentent bien meilleur que vous.


Vocabulaire.


Caque : tonneau contenant des harengs ou des morues.
Tanniere : tannerie.
Privez : lieux d’aisance.
Fien : fumier.
Voirie : déchèterie.


« Le melon », par Saint-Amant (1594-1661), Œuvres complètes de Saint-Amant, nouvelle édition…, par Ch.-L. Livet (Paris, chez P. Jannet, Libraire [Bibliothèque elzévirienne]), 1855, t. I, p. 198 :

Quelle odeur sens-je en cette chambre ?
Quel doux parfum de musc et d’ambre
Me vient le cerveau resjouir
Et tout le cœur espanouir ?
Ha ! bon Dieu ! j’en tombe en extase :
Ces belles fleurs qui dans ce vase
Parent le haut de ce buffet
Feroient-elles bien cet effet ?
[…]
Qu’est-ce donc ? Je l’ay descouvert
Dans ce panier rempli de vert ;
C’est un MELON […]




  
 « Le Cantal. Caprice », par Saint-Amant, cette fois devant un fromage d’Auvergne, un morceau de Cantal (ibid., p. 280) :

Gousset, ecafignon, faguenas, cambouis,
Qui formez ce present que mes yeux resjouis,
Sous l’adveu de mon nez, lorgnent comme un fromage
A qui la puanteur doit mesme rendre hommage,
Que vous avez d’appas ! que vostre odeur me plaist !
[…]


Vocabulaire :

Gousset. L’aisselle & la mauvaise odeur qui en sort : d’où vient qu’on dit communément, Sentir le gousset, pour dire, Sentir mauvais. (Furetière, Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, 1690, t. II).
Escafignon. Vieux mot qui signifioit autrefois une chaussure legere […] Maintenant il ne se dit qu’en mauvaise part de la puanteur qui s’exhale des pieds de ceux qui ont beaucoup marché (ibid., t. I).

Faguenas. Odeur fade, pourrie, corrompuë, comme la senteur d’un pied de messager, d’un hospital, &c. (ibid.).

Cambouis. Une composition faite avec des racines d’ormeau battuës avec de la graisse de bouc, & du vieux oint [graisse]. On s’en sert pour estancher les tonneaux qui suintent, pour graisser les vis des pressoirs
(t. I).

 
 

 Une épigramme de François de Maucroix (1619-1708), avocat, poète, chanoine, prise dans Louis Perceau, Le Cabinet du Parnasse. Théophile de Viau et les libertins (Paris, Au Cabinet du Livre, 1935), p. 180 :


Qu’il est puant ! qu’il sent mauvais !
La détestable Cassolette !
Pourquoi faut-il que ce punais
F[ou]te une femme si bien faite ?
Mais n’en soiez point estonnez ;
C’est que le C[on] n’a point de nez.



 Bolœana ou les bons mots de M. Boileau, Amsterdam, 1742, p. 127 :

Je l’ai vu [Boileau] se lever brusquement de son siege, au récit que nous fit l’Abbé de Villiers d’une petite pièce de vers, où s’était glissé le terme de mauvais vent : Ah ! Monsieur, s’ecria-t-il, voilà qui mettra en mauvaise odeur tout votre Ouvrage.


 F I N

Note. Les nez, reproduits selon diverses gravures de personnes du XVIIe siècle, ne sont jamais ceux des auteurs cités. Ils ont été empruntés, tout comme le cul-de-lampe, à Paul Lacroix, XVIIe siècle. Lettres, sciences et arts, Paris,  Firmin-Didot et Cie, 1882. Les deux femmes sont des musiciennes anonymes (p. 485, p. 477). Après la près la première musicienne, Nicolas Poussin (p. 17), Denys Talon, avocat général au Parlement (en 1669, p. 465), Lully, d'après le portrait de Mignard, gravé par Roullet (p. 489), Louis XIV, en 1706, figure en cire exécutée d'après nature par Antoine Benoist (en face de la page 398). 

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