≈ Pour Marc de
Papillon, dit le capitaine
Lasphrise, du nom dont il signait ses
poésies, l’enfer naît spontanément de la
femme ; on l’apprend dans Fléau
féminin (Les
Gaillardes
Poésies du capitaine Lasphrise publiées
d’après les éditions de 1597 et de
1599, par un membre de la société des
Bibliophiles Gaulois [Prosper
Blanchemain], Turin, J. Gay et fils,
1870, p. 178 ; F. Fleuret et L.
Perceau, Les Satires
françaises du XVIe siècle, Paris,
Garnier Frères, 1922, t. II, p.
183) :
Or si Eve
innocente, œuvre du Createur,
N’a pu vivre un moment sans
detestable erreur,
Comment s’en garderoyent celles
dont la naissance
Vient par la puanteur de
fragille semence ?
Chose tout impossible !
& aussi void-on bien
Le desastre & le mal où
elle nous enserre.
D’elle l’enfer sourdit, d’elle
l’avons sur terre,
Donc d’elle nous souffrons
double damnation. |
≈
Théophile de Viau, emprisonné en 1623,
connut l’enfer et le fit savoir dans une
longue Requeste de Theophile au Roy, Les
Œuvres de Theophile…, dernière
édition (Lyon, 1677), d’où sont extraits
les vers ci-dessous (p. 119) :
Sans cordon,
jarretieres ny gans,
Au milieu de dix hallebardes,
Je flattois deux gueux
arrogans,
Qu’on m’avoit ordonné pour
gardes :
Et nonobstant chargé de fers,
On m’enfonce dans les enfers,
D’une profonde & noire
cave,
Où l’on n’a qu’un peu d’air
puant,
Des vapeurs de la froide bave
D’un vieux mur humide &
gluant. |
≈ Au
dix-septième siècle toujours, voulait-on
voir de ses yeux l’enfer, point n’était
besoin d’aller en prison, il suffisait de
se rendre à Paris, dans l’île de la Cité,
et d’entrer dans la partie de la Salle du
Palais où se tenaient les procès – si du
moins l’on en croyait Monsieur de
Bourdonné, « un Gentilhomme qui a
passé la plus grande partie de sa vie à la
Cour et dans la Guerre » mais qui a
aussi publié en 1658 Le Courtisan
desabusé. Dans une
nouvelle édition de l’ouvrage on lit, au
chapitre XXXII, « De la misere des
procés, & du devoir des bons
Juges » (Paris, chez Nicolas Le
Gras, au troisiéme Pillier de la grande
Salle du Palais, à l’L couronnée, 1705),
p. 151 :
En verité
si je l’ose dire, la grande Salle
du Palais est une representation
de l’enfer : on y voit une
confusion de creatures rassemblées
comme des quatre parties du monde,
contraires en leurs humeurs, en
leurs demandes, en leurs desirs,
& semblables en ce seul point
que le peché ne les abandonne
presque jamais. L’horrible
bourdonnement que l’on y entend,
confond les tons differens des
voix, & dix mille n’en font
qu’une seule trés-importune. C’est
une chaleur perpetuelle, parce que
la justice qui devroit avoir les
yeux bandez, ne donne que trop
souvent droit à celui qui ne l’a
pas, & que ces mauvais arrests
font passer du corps dans l’esprit
le cuisant & vif déplaisir de
se voir ainsi contre toute sorte
de raison arracher son bien. De
plus, le mouvement perpetuel de
ceux qui comme un flux &
reflux passent & repassent des
quatre coins de ce lieu si vaste,
& de tant d’autres détours
& retours qui l’environnent,
ressemble à celuy d’un abîme, dont
l’agitation continuelle est
incapable d’aucun repos.
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Lisant
les Amusemens sérieux et comiques de Charles Du
Fresny (1699) on comprend mieux que
l’image de l’enfer pour évoquer la
grande salle du Palais s’imposait
presque – reposait en tout cas sur une
réalité bien terrestre de l’époque. Le
visiteur, est-il dit, voyant les têtes
des procureurs et des avocats qui
portaient, outre une robe noire, un
bonnet noir avec des pointes en forme de
corne « est épouvanté par la
lugubre apparition d’une multitude de
têtes noires et cornues, qui forment en
se réunissant un monstre épouvantable,
qu’on appelle la chicane »
(« Amusement quatrième. Le
Palais », Amusements
sérieux et comiques, Paris,
éditions Bossard, 1921, p. 75).
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