Bouis-bouis, bastringues et caboulots de Paris
parut en 1861 chez P. Tralin, in-32 de 191 pages. Il était
signé, à la fin :
Ego, mais aucun nom n'apparaissait sur la page de titre.
L’auteur était le journaliste Alfred d'Aunay, de son vrai
nom Alfred Descudier (d'Escudier de la Faille), mort en
1883. Il était peut-être le fils naturel de Villemessant,
ce qui expliquerait les deux pages bienveillantes de
la brochure, consacrées à ce directeur du Figaro, en ce temps
un journal satirique, appartenant à la catégorie "petit
journal". La censure passa par là, le 2 janvier 1861, et
l’auteur fut condamné à un mois de prison et 16 francs
d’amende. Il mourra aveugle. (Voir le glossaire-index de
Martin du Bourg, p. 373).
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Trois extraits |
Définitions
Le bouis-bouis est le café-concert qui a pour montre un espalier de femmes. Le théâtre qui en étale est un bouis-bouis. Le bastringue est un bal. Tous les bals peuvent être plus ou moins des bastringues. Le caboulot est un petit café où l'on vend plus spécialement des prunes, des chinois et de l'absinthe. Tous les cafés qui vendent des prunes, des chinois et de l'absinthe peuvent être considérés comme des caboulots. (P. 12).
Autres
définitions
[…] il s'est glissé sous ma plume un mot qui n'a pas dû passer inaperçu. C'est le mot de miché. Le miché est l'amant de ces dames. Il y a les michés sérieux, qui paient, qui entretiennent, qui financent d'une façon continue. Il y a les michés de passage, qui paient à souper, demandent un asile à la dame, et oublient le lendemain un louis ou deux sur la cheminée. Il y a aussi les michés de carton, qui ne paient jamais, mais sont aimés d'un amour pur et désintéressé. Dans une autre classe de femmes, les trois espèces de michés ont reçu des noms plus énergiques. La signification ne varie pas, le style seul se ressent des étages différents de l'édifice social. C'est ainsi qu'on appelle un meck, le levé pour le bon motif, ou tout au moins l'homme qui consent à prendre devant l'autorité la responsabilité des actes d'une fille qui est censée rentrer dans la vie avouée. On appelle pante le levé d'un jour, d'une heure, ou d'un quart d'heure, selon le prix. On donne enfin un surnom moins énygmatique à l'amant de cœur ou au souteneur. (P. 173-174) Le
Café Belge
Je le pleure, le Café Belge, d'abord parce qu'il était au fond d'une cour, ensuite parce que l'orgie ne s'y étalait qu'au premier étage. Il existe encore, il est vrai, mais quelle décrépitude! C'est aujourd'hui la Brasserie du Rhin! Priez pour lui. Je m'en souviens encore, de ces nuits du Café Belge! Je vois, à l'entrée du salon du premier étage, le sergent de ville qui y représentait la morale publique. Puis ce vaste appartement, et ces groupes divers! Et les chants, et les cris, et l'ivresse! Et Jules Franck, le poseur émérite, l'Alcibiade du Café de l'Yonne, secouant sa crinière brune, en discourant sur la philosophie positive! Encore un qui posait!… Je me trompe, il pose encore. Quelles joyeuses nuits! que de folies! que de bêtises! Les femmes s'y déshabillaient, à peu près, ou peu s'en fallait, sous prétexte qu'il y faisait trop chaud. Les hommes, de même, pour des motifs analogues. L'intimité la plus complète y régnait. Tout nouvel arrivant y trouvait un ami dans un homme que jusqu'alors il n'avait jamais vu. Certainement, il s'est passé au Belge des scènes regrettables! Mais croyez-vous que l'Île de Calypso, que le Casino, les Délass-Com aient plus de morale?… Allons donc!… Ils sont plus bêtes, peut-être, plus niaisement cyniques, et c'est ce qui les sauve! Le Belge avait un petit cachet Louis XV, moins les costumes, qui plaisait fort; l'esprit était celui de Piron et de Parny. Ailleurs, je vous le demande, quel esprit a-t-on? Est-ce celui de MM. Lambert Thiboust, Grangé ou Blum? Est-ce celui des panégyristes de filles de joie? Est-ce celui des vaudevillistes égarés dans les sentiers boueux du proxénétisme? Que vous en semble? eût dit Scarron. Vous voyez bien que je n'ai pas tort de regretter le Café Belge. (P. 106-108) |
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