Le
1er mai 2009 au petit
matin, nous sortîmes enterrer Bordeaux.
Non
pas la ville où nous vivons : Bordeaux Henry.
Et
non pas l’écrivain savoyard soi-même, déjà enterré
depuis quarante-cinq ans au cimetière de Cognin,
près de Chambéry : un de ses livres, La
Peur de vivre.
Nous
avions programmé l’enterrement de trente-trois
Bordeaux, un chaque jour de mai, sauf le 30, où
nous en enterrerions trois. (1)
Accroupi
à l’abri de buissons touffus du Parc bordelais,
nous enterrions donc La Peur de vivre.
Nous
sentîmes soudain qu’on nous léchait le nez.
C’était
un teckel nain, et nous le caressions, de crainte
qu’il n’aboie, lorsque surgit sa maîtresse
hurlante, « BOUCHON ! BOUCHON ! ».
Elle
croyait que nous enterrions son trésor, et nous
nous enfuîmes, éperdu, abandonnant le livre et la
pelle d’enfant.
Et nous nous sommes cloîtré un mois dans notre
chambre, ressassant le proverbe arabe de La Peur de vivre :
« Mieux vaut rester assis que debout, couché
qu’assis, et mort que couché » (2).
Le
31 mai, nous réagîmes enfin.
C’était
le jour de L’Ombre sur la maison.
Nos
trente et un autres Bordeaux jetés en passant au
conteneur de la résidence, nous sommes allé
enterrer L’Ombre sur la maison, au jardin d'un
ami.
Et un an plus tard
jour pour jour, nous déterrions L’Ombre
sur la maison en présence de l'ami et d’une
reporteresse free-lance.
Laquelle
photographia lambeaux et débris de L’Ombre sur
la maison,
avant que par le feu nous ne les dispersassions
dans les airs.
Et
nous prîmes un cordial tout en évoquant les
performances futures, dans l’attente de la nuit.
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