En souvenir de Michel Ohl alias Narcisse Boudigans Michel
O H L
Extrait de L'enterrement qui frétillait de la queue achevé d'imprimer en octobre 1994 sur les presses de Plein Chant à Bassac
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Publié avec le concours des Almanachs Cadavermot | ||||||
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Le jour de l'enterrement il s'est
mis en signe de deuil à neiger du caca. Signe de deuil mon œil ! lança Fuzèche. Il pensait, lui, que des oiseaux s'étaient oubliés dans les nuages. Latapy appelait le Bureau climatologique. Incinérez-moi, je vous en prie. Et puis, soyez gentils, jetez mes cendres à la Garonne... avais-je
écrit peu avant de mourir sur une feuille, repliée
ensuite en forme d'avion. Ils cherchaient, la mort
dans l'âme, le numéro du crématorium, lorsqu'une
voix fit observer que je personnifiais volontiers
les objets, que je leur donnais volontiers la
parole aux objets, aux choses, aux matériaux,
meubles, couteaux, cartons, lunettes fumées,
planeurs, cailloux, poignées de sable, que je
l'avais donnée, la parole, en l'occurrence, à une
feuille de papier, elle nous suppliait de
l'incinérer, il fallait s'incliner, en mémoire de
moi, inclinons-nous, fit la voix.
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Et vous
l'imaginez, vous, ajouta Cazade, vous
l'imaginez voltigeant au-dessus du
fleuve ? Et d'ailleurs ça n'est pas son
écriture, c'est une écriture de papier à
lettres aériennes. Et l'on chargea Niécette
d'incinérer la feuille.
Au fond de l'étagère du bas du placard de la
souillarde, près des élastiques de diverses
tailles servant à tenir clos les paquets de
biscuits entamés, il y avait une collection de
sachets de cellophane destinés aux crottes du
chat. L'un d'eux eût très bien pu recueillir les
cendres de la feuille aux dernières volontés mais
comment Niécette eût-elle connu l'existence et a
fortiori l'emplacement des dits sachets la pauvre
innocente ? Elle se contenta de recouvrir le
cendrier d'une assiette à dessert en carton où
elle écrivit soigneusement Penser à jeter
Garonne et huit baisers d'adieu plus tard on
vissa le cercueil, ça m'apprendrait à écrire.
Le
convoi prit donc le chemin d'Onessa. De mon
vivant, l'idée d'y être enterré me glaçait le
sang. J'y trouvais la preuve qu'entre la naissance
et la mort il ne se passait rien du tout. J'avais
tenté d'y couper, au caveau de famille, mais on a
vu le beau succès. Il faisait froid, assez mais
pas trop. Un temps de neige. […]
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