Éditions PLEIN CHANT

Marginalia



BUVEURS D'EAU ET BUVEURS DE VIN
ALLEZ ! TOUS DANS LE MÊME BAIN.


À propos de
Un repas en 1900, par Alfred Capus



À la fin de cette année, au début de l’année suivante, vous allez boire du vin et parmi les vins, les meilleurs. Si un écolo se trouve parmi vous, voici une histoire d’O — une autre — qui le ravira, « Un repas en 1900 ». 





Alfred Capus (1855-1922), par Cappiello (Le Théâtre, avril 1903).

Dans ce court dialogue, recueilli dans Monsieur veut rire, par Alfred Capus (Paris, Paul Ollendorff, 1893), s'il est question d'eau, on constate qu'une lecture faite en 2012, diffère de la lecture des contemporains du texte. Monsieur veut rire parut en 1893 ; les nouvelles avaient sans doute étaient prépubliées dans la presse, mais en quelle année ? Peu importe, car en 1893 encore, le « Repas en 1900 » apparaissait une anticipation ; et pour rendre le texte drôle et surprenant, il fallait inventer un événement invraisemblable en théorie, dont la seule évocation ferait les lecteurs s'esclaffer. Payer l’eau plus cher que les grands crus ! Hiérarchiser l’eau de la source ou de la fontaine comme on classe les vins ! Stocker l'eau, alors qu'il suffit d'aller en chercher à la fontaine, au puits, ou de s’en faire livrer jour après jour ! L’eau devenue de l'or liquide ! Et ce futur qui n’est plus à venir, rendu présent par la grâce du langage, acquiert une force plus grande encore, venue de la date presque mythique 1900 : un nouveau siècle, l’an mil répété ! Il fallait un changement incroyable dans les façons de vivre, et quoi de plus inattendu sinon d’absurde que le vin ayant cédé sa place à l’eau ? Eh ! bien, depuis quelques années nous entendons dire que l’eau se raréfie, et un écoleau rirait à peine de l’histoire d’Alfred Capus. En 2012-2013, les sentiments inspirés par le texte d’Alfred Capus changent dans la mesure où, toute fiction abolie, l’eau est vraiment en train de devenir rare ; là, plus question de rire. Reste un rire rétrospectif, un rire plutôt jaune, devant ces inconscients du dix-neuvième siècle incapable d'imaginer le probable (?) changement de statut de l'eau. On nous dira que le vin se fabrique avec de l’eau, que lui aussi va devenir une rareté absolue et que les amateurs de vin sont autant concernés que les buveurs d’eau. Ce serait le thème d'une autre historiette…

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