Éditions PLEIN CHANT

Marginalia


 

Le

aitre
autrement dit








par M…






   L'an Pinay, p. 57



Et le soleil se lève pour la première fois.

Et le premier homme se lève lui aussi, au point du jour, mais du pied gauche: malheur!

Mais il a posé le pied en plein dans la merde: bonheur!

Et voyez, dès le début, dès le coup de dé du début, bonheur et malheur s’équilibrent, cinquante-cinquante, fifty-fifty, et l’homme marche au but avec exactement autant de chances d’être heureux que de ne l’être point.

Mais l’on peut toujours veiller au grain… voici la fin de l’homme: ci vit gît là.

 

Certains mêlent mort et merde au point de les écrire pareil toutes les deux: m…, moi je ne me prononce pas, je suis au-dessus de ça, et là-haut

(1)

Et dans l’espoir d’un papier je la montre à Q…, pigiste à Sud Ouest: «Qu’a… qu’a… qu’a ta strophe… - Quoi ma strophe? Qu’est-ce qu’elle a ma strophe? - Qu’a… qu’a… qu’a ta strophe… - Elle a quoi bordel! – Qu’a… qu’a… qu’a… qu’a… - T’accouches, oui? Merde alors!»

Et je le laisse à son «qu’a… qu’a…», et je réfléchis, je réfléchis, je réfléchis, et je me rends compte que oui, j’ai beau faire des pieds (de vers) et des mains (de papier), moi aussi je merdoie: «Tu merdoies, tu merdoies» me dis-je, «zyeute un peu ces nuages d’encre! t’as intérêt à te magner le cul! parce que sinon ils vont t’embrener la gueule mon con!»

Et ça n’est pas le point de merde qui vous protégerait d’une pluie de merde, il faudrait un paramerde pour cela, ça ressemble au parapluie mais c’en est pas un, si vous voulez une comparaison le point de merde serait un paramerde retourné par grand vent, ainsi, guettant le chiel, redoublé-je mes pas, et, dans la foulée, d’autres alexandrins me viennent, rythmant ma course jusqu’à l’asile:

Prose signifie cul, poésie vient de faire,
Il n’est de poésie qu’en prose et, dès lors, quand
Tu ponds tes vers tu n’es qu’inane troun de l’aire,

Raccorde donc ton luth, poète inconséquent!




«Du «Nocturne» de Saint-Pol-Roux, dans Les Reposoirs de la Procession, ce pressentiment de ton point de merde: "J'ambule, l'œil au firmament. / Aussi mon pas empreint son poids dedans l'excrément chu de l'oméga des rustres qui sans gêne ou pressés furent." - qui est somptueuse façon de fouler un étron!"» m’écrit Ziegelmeyer (2) au siècle passé – et puis: «"Au commencement était le point" dit un chapitre du Tsimtsoum, de Marc-Alain Ouaknin (Cerf, 1992). Et pourquoi pas le point de merde? Dans plus d’une tradition, Dieu chia le monde. Ouaipf !!»







Au début et à la fin le point, le même point, de merde évidemment. Ça commence et ça finit comme ça: Caca, caca. Mais caca s’écrit aussi comme ça: çaça.




Tel est ce livre.  Tel SERA-t-il. Car à l’heure où nous sommes il se limite au titre. Le reste est songerie. Et l’ineffable titre, observez-le bien…: la crotte, le creux culier, c’est pas dans l’axe on dirait? Drôle de point de merde!

Point que d’aucuns rebaptisent joliment point d’aisances:
«L’écrivain [ici un nom que je me sens moralement tenu d’omettre eu égard à la notoire pudeur du dénommé] pratique le point d’aisances, que son éditeur a représenté par un point d’exclamation surmonté d’un oméga minuscule» (Satan-la-toile «Google», Ponctuation non standard.)



Le point de merde représentera le Sud-Ouest au Festival de Saint-Point de la Saint-Alphonse, le 1er août prochain. Ce village enchanteur de Saône-et-Loire, où repose Lamartine (3), est à la ponctuation comme Cannes au cinéma, ou Castelnaudary au cassoulet. Lors des primaires régionales, le point de merde a littéralement pulvérisé les points de vue, dont voici la seule action notable avant la déroute:
«Regarde-moi dans les œils, lecteur, et ose me dire que je ne suis pas un type honnête et droit. , .    . , .    . , .»

L’autre candidat des primaires, le point d’exclamation interrogative, ou d’interrogation admirative, s’est vu disqualifier pour, je cite, «non-respect - voire viol - du règlement». Il se serait inspiré «de beaucoup trop près» (sic) du point exclarrogatif, ou interrobang, de Martin K. Speckter (Satan-la-Toile, ibid.)
Ex. de pt d’excl. inter. (pièce du procès en instance):




Mais je sais que demain je tomberai en un petit coin de page de décadent obscur, de bousingot, de branque de lettres, sur un point de merde goguenard, le protopoint de merde, le père de tous les points de merde, et mon nez s’enfoncera de lui-même vous subodorez où.

Et pour finir j’hésite entre points finauds et point tu





NOTES



1.  «Béatitude du bousanthrope violé» in Le spicilège tristachyé* de Jean-Baptiste Bousmar, Schéol, 1982, p. 60.
* tri-sta-ki-é: dont les fleurs forment trois épis.

2. Pierre Ziegelmeyer excelle à déboulonner nos gloires nationales pour les envoyer caguer au sous-sol. Ces «chitations» réclament leur point de merde à grands cris âcres de mouette stercoraire:

«S'il te plaît, dessine-moi un étron!
Ah! insensé qui croit que je ne chie pas droit!
Le foutu bordel de ces espaces foireux me scie les couilles.
Le vent s'élève, il faut tenter de chier.
Qui dort en chien de fusil n'a pas toujours intérêt à se mettre une cartouche dans le cul.
Qu'importe le caleçon pourvu qu'on ait la merde.
De Dieu grosse vache
La bouse se lâche

Et le monde est chié.

Lâcher est triste et gras, et j'ai vu tous les gogues.
La grande gueule de l'homme est si risible qu'elle le ridiculise même dans la merde.
L'homme est un sac de merde: il n'aime que ceux qui peuvent le remplir.»
(Déchets d'œuvres)

3.

«Ô forêt de Saint-Point! oh! cachez mieux ma cendre!
Sous le chêne natal de mon obscur vallon,
Que l'écho de ma vie y soit tranquille et tendre,
Ah! c'est assez d'un cœur pour enfermer un nom.
»

Vers écrits dans la chambre de J.-J. Rousseau
, 7 juin 1835.