Éditions PLEIN CHANT

Marginalia


24  juin 2014


  
Poètes,
 Portraits &
Pseudonymes


chez
Plein Chant

 


  
         

Il y a tout juste quarante ans paraissait au seuil du printemps le numéro 21, daté de l’hiver 1974, de la revue, en ce temps trimestrielle,
Plein chant, dite cahiers poétiques, littéraires et champêtres.



Il était consacré aux petits poètes – comme il y avait eu, en 1949, « les petits romantiques » lancés par les Cahiers du Sud. Jean-René Pradier, Edmond Thomas, Pierre Boujut, Jean Paul Louis, Martin du Bourg avaient choisi de donner à lire des pièces en vers qu’ils aimaient, sorties des oubliettes de l’histoire littéraire, ou non remarquées au moment de leur parution.

Les noms des poètes élus, appartenant tous au XIXe siècle ou au XXe, mais venus d’horizons divers ? Jean-Louis Béchu, Paterne Berrichon, Jean de Bosschère, Charles Bourgeois, Augustin Boyer d’Agen, Georges Chennevière, Géo Drains, Edmond Dune, Luc Durtain, Fagus, Henri Simon Faure, Franc-Nohain, André Gateau, René Ghil, Albert Glatigny, André Hardellet, André Henry, Lucien Jacques, Jean le Mauve, Raymond Marquès, Louis Ménard, Adrian Miatlev, Pierre Moussarie, Paul-Hubert, Jacques Prevel, Daniel Schmitt, Joséphin Soulary, Fernand Tourret, Marianne Van Hirtum. Quelques-uns d’entre eux seront ou ont été présents déjà dans la revue ou dans des suppléments à la revue (voir la collection « Poétiques »), et quelques-uns paraîtront plus tard, imprimés et édités, toujours par Plein Chant. André Henry, dont Le Père avec le fils paraîtra au n° 29 de Plein Chant tandis que Fastes d’enfance était donné en supplément à ce même numéro, verra d’autres de ses poèmes publiés en deux recueils dans la collection « La font secrète », sorte de jardin secret ouvert aux lecteurs par l’éditeur, poète  et imprimeur : Vingt-cinq photographies, suivies de Vingt-cinq tombes (1989) et As-tu le regret de la terre ? (1992). Pierre Moussarie se trouvera lui aussi dans cette collection avec, en 1997, Chemin vicinal (1re édition en 1931, en marge de la revue La Bouteille à la mer, dirigée par Hugues Fouras, pseudonyme de Henri Fourastié), suivi de Campagne et de poèmes inédits ou retrouvés, placés en appendice. René Ghil entrera en 1995 dans la collection « Anciennetés » avec Légende d’âmes et de sang.

Les cahiers poétiques, littéraires et champêtres se transformeront en Cahiers trimestriels de littérature, puis la revue s’appellera Plein Chant tout court. Elle a diminué en taille (12,5 x 19), puis elle grandira (14,5 x 22) et s'épaissira pour s’éclipser (momentanément) après le double numéro 83-84, Printemps-été 2008, Choses graves et moins graves (voir le catalogue de la revue). Au fil du temps, elle est passée de l’état de polycopié – mais un polycopié civilisé dans la mesure où le texte était justifié – à celui de revue presque luxueuse, toujours nourrissante pour l’esprit et plaisante à l’œil (typographique), par sa mise en page esthétique.



Le haut de la page 3.
Edmond Thomas, dans la présentation de petits poètes, cite le passage d'une lettre censée être de la plume de Martin du Bourg, lui-même censé avoir composé le recueil avec les contributions de ses amis poètes.



L’auteur de cet article, doué de pouvoirs psychiques spéciaux, a pu se projeter dans le futur, et lire à loisir le numéro spécial d’une publication parue en 3074, conçue sur le modèle de L’Intermédiaire des chercheurs et curieux, né en 1864 « à l'usage de tous, littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc. ». Dans ce numéro, l’éditeur testait une présentation sous forme de dialogues à l’image des dialogues des morts d’autrefois, ayant pour thème les éditeurs de jadis, du temps où l’on imprimait sur du papier, et où la lecture sur écran n’était qu’un pis-aller. Des quelques pages consacrées à la revue Plein Chant, on extrait cet échange entre deux curieux, Polycarpe Lettré-Lenéant (PL-L) et Lucien Latulu (LL).

PL-L : J’aimerais avoir un avis sur l’argument, par Edmond Thomas, que je viens de lire dans un numéro des cahiers poétiques, littéraires et champêtres consacré aux petits poètes, acheté, je dois le dire à un prix exorbitant pour cause de rareté. Je n’ai pu retrouver les numéros antérieurs, mais celui-ci m’est précieux moins par sa reliure toute récente, elle, en maroquin mosaïqué, que pour ce qu’il annonce de l’avenir, j’entends l’avenir de ces cahiers et celui des éditions Plein Chant.

LL : Vous savez que pour moi, « Plein Chant » est une étiquette magique, qui m’incite à acheter ce que le hasard et mes recherches veulent bien m’offrir sous cette étiquette. Je suis un jour de chance tombé sur un livre republié en 1993, Les Oubliés et les Dédaignés, par Charles Monselet, un livre prophétique en son temps – 1857 ! – qui rassemblait des études sur des auteurs dont certains deviendront par la suite des classiques, à des titres divers, ainsi Sébastien Mercier, du bon côté, Dorat-Cubières du mauvais. En une brève postface, Monselet, lui-même oublié en 1974, revivifié en 1993, ajoutait en une page de postface, des noms qui me sont familiers : Chevrier (François-Antoine C. ; 1721-1762), l’auteur du Colporteur ; Du Laurens, l’auteur du Compère Mathieu, pillé par Anatole France ; Ducray-Duminil, que plusieurs citent encore, mais pour dire que personne ne le lit. Et ce livre me paraît comme le symbole de l’idée directrice des éditions Plein Chant.

PL-L : Oui et non, car vous ne devriez pas vous limiter à la salutaire œuvre de réimpression qui donnait à lire, pour des prix modiques, et dans une présentation relevant de la bibliophilie des ouvrages introuvables – sauf, parfois, dans des éditions établies de manière scientifique, ce qui n’était pas fait pour en rendre la lecture aimable. Et ces livres ne sont pas tous des réimpressions, loin de là, puisque l’imprimeur-éditeur, Edmond Thomas, a voulu donner leur chance à des fous d’écriture dont le tort était de marcher hors des clous et de refuser d’entrer dans un moule imposé par la mode ou au contraire par les traditions.

LL. Dites-moi, dans ce numéro, Edmond Thomas n’était-il pas soutenu par Martin du Bourg, avec qui il entretenait une correspondance assidue et qui lui confiait préférer la chasse aux livres anciens à l’achat standard d’un livre standard ? Je trouve son nom dans la liste des rédacteurs de la revue, il a donné une liste de ses « petits poèmes » préférés au n° 21, et j’ai de lui Typographes et gens de lettres, par Décembre-Alonnier, mais dans une nouvelle édition enrichie d’illustrations & d’un glossaire-index, par Martin du Bourg, parue en 2002 chez Plein Chant.

PL-L. Oui, d’ailleurs il a fait d’autres présentations, par exemple une postface pour Les déliquescences, poèmes décadents d'Adoré Floupette avec sa vie par Marius Tapora, un supplément au n° 24 des cahiers poétiques, littéraires et champêtres, en 1974. Je note que cette supercherie due à Henri Beauclair et Gabriel Vicaire, parue pour la première fois sous la rubrique Byzance, chez Lion Vanné (Léon Vanier) en 1885, a reparu en 1995, puis en 2012, imprimée par Edmond Thomas, mais sous forme qui en faisait un livre indépendant.

LL. Vous possédez peut-être comme moi la reproduction au format original du Grand chemin de la postérité. Les gens de lettres, par Benjamin Roubaud (1843) ?

PL-L. Non, je la cherche désespérément, elle est introuvable.

LL. Alors, sachez que la reproduction est, je cite, « commentée par Martin du Bourg, enrichie de portraits sérieux, des charges du Panthéon charivarique et autres caricatures », et que cet ouvrage hors normes, un exploit typographique, fut achevé d’imprimer sur les presses de l'éditeur de Bassac, Edmond Thomas, fin décembre 2010 et parut au premier trimestre de 2011.

PL-L. J’ai une autre question : en couverture du n° 21 de Plein Chant,  je vois le portrait de Martin du Bourg, en train de composer ce numéro , mis en page par Edmond Thomas.



Couverture de Plein Chant, le portrait.


Je ne m’imaginais pas un collaborateur des cahiers poétiques, littéraires et champêtres en travailler sous les yeux de Marianne ! Et puis, la taille de la barbe, la moustache épaisse, les lunettes, la coiffure me font penser à quelqu’un dont j’ai regardé plusieurs fois le portrait, mais je ne me rappelle plus qui ; son nom, dans mon souvenir, est lié au musée du château de Versailles et à la IIIe République. Peut-être aussi à Marie-Antoinette. D'ailleurs, le voici, ce portrait :



LL. Je suis en train de faire des recherches sur les pseudonymes et les noms déguisés, et je fouille du côté d’Edmond Thomas. Je me demande si…

Tout à coup, on ne sait par quel phénomène surnaturel, la vision disparut et l’auteur de ces lignes se retrouva en 2014, perplexe et environné de revues Plein Chant.


    


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